Le modèle de recherche

 

 

En plaçant la production d’un modèle de recherche au centre des relations qui unissent les pôles ontologiques, épistémologiques et méthodologiques, nous exprimons le fait qu'il ne saurait y avoir qu’une seule manière de faire de la recherche par réplication de ce qui a été fait antérieurement. Au contraire, la production de recherche doit être repensée à chaque instant, à l'éclairage des projecteurs que sont ces questions fondamentales. Car le doute, qui est le compagnon permanent du chercheur, doit le conduire à sans cesse déclencher le processus de recherche. Cet état permanent d'anxiété qui incline le chercheur à remettre sa recherche en perspective.

 

On distingue deux types principaux de propositions de recherches pour étudier les décisions dans nos disciplines :

 

1 - les propositions conduites de concert avec des acteurs du terrain (et le plus souvent à leur demande)

 

• Les propositions de nature normative relèvent d'un travail de consultant pour lequel les indications et les propositions qui doivent conduire à prendre la meilleure décision possible dans un contexte identifié. Cette orientation « consultation » a pour objet de fournir à l’entreprise des outils d’aide à la décision : le chercheur diagnostique un problème, puis il propose l’outil conceptuel adapté. La qualité de la proposition finale repose sur la rigueur et sur le caractère reproductible des recommandations émises. Le leitmotiv du consultant est le succès rencontré auprès des décideurs du terrain.

 

• Les propositions de nature descriptive relèvent du champ de la recherche-action dont l’objet consiste à découvrir peu à peu un modèle normatif spécifique à la situation étudiée. L'orientation de ce type de recherche est l’appropriation par les acteurs du terrain des outils développés grâce à l’interaction chercheur-patriciens. Ici, le chercheur « bricole ses outils » au fur et à mesure que la situation évolue et appelle de nouvelles perspectives. C’est le pragmatisme des propositions qui guident le chercheur sur le terrain.  

Les propositions de nature interventionniste relèvent d’un véritable travail de recherche-intervention dans lequel l’objet de recherche est de déconstruire la réalité du terrain pour y instaurer de nouvelles stratégies et cultures. Le chercheur induit du terrain une construction plus ou moins stable qu'il propose à la validation des acteurs du terrain. Il enracine résolument ses propositions dans les faits, et non dans la théorie. C’est la validation constante théorie-pratique qui guide le chercheur dans sa démarche. Un exemple de ce type de recherche :

 

 

2- Les propositions conduites de concert avec des acteurs académiques


 
Les propositions de nature prescriptive constituent la présentation par le chercheur des choses telles qu'elles devraient être dans une situation idéale et sans aléas. En optant pour une orientation « problème », l’objectif du chercheur est généralement de mettre en œuvre un schéma hypothético-déductif articulé de propositions issues d'une revue de littérature et débouchant sur un ensemble d'hypothèses à tester. La qualité de ce type de propositions repose sur leurs possibilités d'identification analogique de divers décideurs. C'est l’accroissement de précision du corpus de connaissances qui primera.

 

Les propositions de nature constructive permettent d'éclairer la réalité d'une manière nouvelle, davantage conceptuelle, mettant l'accent sur des dimensions structurantes non évidentes de prime abord. L’objectif du chercheur est de proposer une nouvelle perspective pour comprendre la réalité. Il va trouver dans d’autres disciplines que la sienne des propositions alternatives, puis il va vérifier comment ces perspectives s’insèrent dans la réalité qu’il étudie. S’il y réussit, il sera en mesure de calibrer « son » paradigme en précisant ses visions épistémologiques, ontologiques et méthodologiques, ainsi que les limites et les conséquences de sa proposition. C’est la « respiration » que procure sa proposition au thème abordé qui lui confère un caractère paradigmatique.  

Les propositions de nature conceptuelle correspondent à cette posture de Descartes qui ne questionne pas la raison des faits qu'il observe, ni si ce sont des fruits de la volonté divine ou de l’intentionnalité humaine. Il se demande simplement toujours « que puis-je savoir ? ». L’orientation « théorie » a ici pour objet de proposer une nouvelle manière d'éclairer la réalité, mais sans forcément changer de paradigme. La réflexion théorique s’appuie sur les liens entre les théories existant dans le champ. La force des propositions finales repose sur la logique de l'articulation des données intellectuelles guidées par l'intuition du penseur.

 

 

© Bergadaà, 2006